L'islam en débat : comment interpréter le Coran ?
L'islam en débat : comment interpréter le Coran?
October 26, 2008 by mohamed hammar
On assiste de nos jours, au sein de l’Islam à une sorte de bras de
fer entre islamistes ou/et réformistes révisionnistes d’une part, et islamistes
puristes/littéralistes d’autre part. Et si pour la prescience coranique, ce
genre de désaccord est tout à fait légitime*, la situation qui en découle n’en
est pas aussi claire pour les esprits rationnels.
Nos parents, nos maîtres
et nos imams nous avaient toujours appris que l’Islam, contrairement à la
tradition chrétienne, par exemple, ne peut tolérer que Monsieur Tout le Monde
se mette à l’interpréter à sa guise.
Et pourtant, le fait est
là aujourd’hui. On assiste de plus en plus à une vulgarisation du texte sacré de la part
de croyants qui, par piété ou par désir de convaincre et indubitablement sans
le vouloir, abusent du livre saint. La situation est telle que la sempiternelle
question religieuse nous incite à nous interroger sur la base d’une équation
tout à fait nouvelle : si les littéralistes (Salafistes) demeurent alignés sur
la position de notre patrimoine éducationnel, réfutant ainsi toute
interprétation populaire du Coran, les révisionnistes et réformistes musulmans
ont-ils raison, quant à eux, de chercher à effectuer une interprétation du
coran (et du Hadîth) autre que celle qui nous avait été transmise presqu’à
l’unanimité ?
En fait, tous autant
qu’ils sont comptent corriger le faux par le faux. Les Salafistes
considèrent l’intention de produire une nouvelle lecture de l’Islam comme
une tentative de dénigrement de ce dernier, d’autant plus qu’ils sont adeptes
de l’application quasi intégrale des Houdoud (lois pénales) parce qu’ils disent
avoir peur pour l’Islam et les Musulmans. Et les réformistes de tous bords
semblent opter pour la mise en place d’une lecture contemporaine du texte, et
ce, afin de couper l’herbe sous les pieds des littéralistes.
En définitive, bien
qu’on sache trop que c’est l’apparente simplicité du modèle islamique qui est à
la base de l’option de statu quo en matière de foi et d’usage de la foi du côté
des fondamentalistes(1), on ne sait presque rien de ce que les autres comptent
réviser au juste, ni de comment il serait possible de réinterpréter l’Islam
quand on sait que des siècles entiers, à compter du moment où le « portail de
l’Ijtihad » fut clos , n’avaient pas suffi pour mettre, rien que l’éventualité
d’une relecture de la religion, sur l’agenda des ulémas et docteurs de foi
d’antan. Ou bien, ces derniers auraient-ils été si dupes qu’ils n’obtinrent
jamais gain de cause pour une éventuelle idée de relecture dont ils auraient
été épris ?
A mon sens, ce n’est pas
l’Islam du coran (et du Hadîth) qui se prête, ou qui devrait désormais se prêter à
quelque interprétation que ce soit. Mais c’est bien plutôt toute la culture
islamique ayant conduit à des supputations relatives donnant lieu aussi bien à
une réforme de l’intérieur de l’édifice dogmatique qu’à la contre-réforme.
Cette dernière est, en
réalité, demeurée théorique à outrance et n’a pas, conjointement, su tirer profit de
l’évolution des sciences sociales. Pis encore, elle n’a jamais considéré que
celles-ci peuvent — sinon doivent — faire partie des outils que la pensée
universelle a mis à la disposition de tout peuple désireux de changement,
indépendamment de sa langue, de sa religion ou de sa culture d’origine. « La
méthode de travail n’est plus l’exégèse, dit Hassan Hanafi, mais c’est
l’expérience et l’induction » (2).
Ce n’est donc pas une
réinterprétation du texte qui nous fait défaut, mais une version contemporaine
de l’expérience musulmane ; une pensée retraçant les multiples facettes du vécu
du musulman, et ce, autour d’un axe d’importance cruciale : l’humanisme du
musulman en métissage avec une religiosité tous azimuts, libérée des
intégrismes socio-comportementaux… ; une version générique de la religiosité
islamique idéale et idéaliste, qui puisse faire le lien entre le musulman et
l’Islam coranique ; une « Culture médiane » qui sera à même de jouer les
médiateurs entre le passé et le présent, l’Orient et l’Occident…, « la
légitimité de l’époque et la légitimité de l’Islam.» (3)
Mohamed Hammar
* « Et si Dieu ne repoussait pas certains
peuples par d’autres, certes la terre serait corrompue », Coran 2 : 251.
1. Omid Safi, leader de l’ « Islam progressiste » aux Etats-Unis dit que «
l’islam n’est pas simple car les musulmans ne sont pas simples » dans un
essai adapté d’une introduction à son nouveau livre sur les musulmans
progressistes. http://www.beliefnet.com ; p.1 sur 4.
2. In The International Journal of the Humanities, vol.5, pp.195-204.
3. C’est un slogan cher à Hassan Hanafi (leader de la gauche islamiste en
Egypte) ; lequel slogan fut étayé le 3 juin 2008 lors d’une rencontre au Forum
Al-Jahedh à Tunis.
§ Illustration : page d’un Coran
enluminée. Manuscrit du XUU-XIIIe siècle